jeudi 28 février 2013

Elections sénatoriales : le hold-up de Paul Biya


Le corps électoral, constitué de conseillers municipaux à majorité Rdpc (9 276 sur 10 626) est convoqué pour le 14 avril prochain. 

Paul Biya, 80 ans, 30 ans au pouvoir



Le corps électoral des élections sénatoriales est convoqué pour le 14 avril prochain. C’est la substance d’un décret du président de la République, Paul Biya signé hier. L’acte du chef de l’Etat vient corroborer les soupçons d’un certain nombre d’acteurs politiques et de la société civile qui redoutaient sa volonté de convoquer le corps électoral avant les élections municipales. 

La configuration actuelle des conseils municipaux - qui constituent le corps électoral - étant favorables au Rdpc, il s’assure d’office une majorité confortable au Sénat. Le Cameroun compte en effet 10 626 conseillers municipaux, dont 9 276 sont du Rdpc. 

Lors de la cérémonie de présentation des vœux de nouvel an 2013, Paul Biya et le leader de l’opposition camerounaise, John Fru Ndi, avaient eu un bref entretien. Au sortir du palais de l’Unité, le président du Sdf confiera qu’il a mis en garde le président de la République quant à sa volonté d’organiser des élections sénatoriales avant de nouvelles élections municipales. Fru Ndi mettait en cause la légitimité de ces conseillers, mal élus, selon lui, avec de « mauvaises lois électorales ». Bien plus, il dénonçait le fait que le mandat de ces conseillers municipaux a expiré. Ils ne continuent d’exister en effet que grâce à un décret du président de la République signé le 30 mai 2012, prorogeant leur mandat de 12 mois. 

Le week-end dernier, alors qu’il était en tournée dans l’Ouest du Cameroun, Fru Ndi confiait aux journalistes qu’il a adressé plusieurs correspondances au chef de l’Etat pour le dissuader d’organiser les élections sénatoriales avant les municipales. Ses missives ne semblent pas avoir changé les desseins du président. 

Maurice Kamto, le président du Mrc, avait lui-aussi parlé du risque qu’il y aurait à organiser les sénatoriales avant les municipales. Il ajoutait, dans son message de fin d’année aux Camerounais, que « le gouvernement doit pour sa part rendre public le découpage des circonscriptions électorales et la date des élections d’ici la fin du mois de février 2013, s’il est vraiment animé par le souci de transparence, et ce afin de permettre à toutes les formations politiques de préparer les échéances électorales avec sérénité et de préserver l’égalité de chance entre les partis ». 

Ruse et effet de surprise 

Encore sonné par le décret du président de la République lu hier à la Crtv, le président du Mrc n’a pas souhaité réagir à chaud. « Pardonnez-moi de vous décevoir, a-t-il regretté. Nous avons appris la nouvelle comme nos compatriotes en écoutant la radio. Je n’ai pas d’avis personnel à donner. Il s’agit d’un acte qui a une signification politique très forte. Nous allons réunir notre directoire, probablement aujourd’hui, pour donner notre position. » 

L’ancien président du Manidem, Anicet Ekane dénonce une décision « absurde » du président de la République et annonce d’ores et déjà que son parti n’ira pas à ces élections. « Tout ce qui motive le pouvoir, ajoute-t-il, courroucé, c’est sa perpétuation. Le régime Rdpc, les héritiers d’Aujoulat, veulent une alternance en leur sein. Pour cela, il faut qu’ils contrôlent l’Assemblée nationale et le Sénat. Au-delà de la personnalité du chef de l’Etat, c’est le régime qui veut contrôler l’alternance. Tous les cadres du Rdpc sont déjà dans l’après Biya. Ils veulent empêcher que la famille politique des patriotes que nous sommes n’intervienne dans ce changement. Que les Camerounais prennent leurs responsabilités. »

Selon des observateurs de la politique camerounaise, la convocation du corps électoral des sénatoriales pose aussi le problème de l’opacité du calendrier électoral au Cameroun. Personne, en dehors du président Biya ne pouvait préjuger de la date des sénatoriales. Pas plus que celle des législatives et municipales.  
Paul Biya est le maître du calendrier électoral. Un instrument fatal de conservation du pouvoir et des pouvoirs. A sa guise et selon son propre agenda, il peut frapper comme il vient de le faire. Par la ruse et l’effet de surprise. Il prend ses adversaires de vitesse condamnés qu’ils sont à lui courir après.
Jean-Bruno Tagne 


Le Sénat en bref
Le Sénat a été créé par la Constitution du 18 janvier 1996. Il représente les collectivités territoriales décentralisées, à raison de 10 sénateurs par région. Sept sont élus au suffrage universel indirect alors que trois par région sont nommés par le président de la République. 

« Les candidats à la fonction de sénateur ainsi que les personnalités nommées à ladite fonction par le Président de la République, doivent avoir quarante (40) ans révolus à la date de lʼélection ou de la nomination », précise l’article 20 de la Constitution. La durée de leur mandat est de 5 ans.
J-B. T.

Loi n° 2006/005 du 14 juillet 2006 relative à l'élection des sénateurs :
http://minatd.cm/gov/site/cadrejuridique/Loi_Senateurs.pdf

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