mardi 5 mars 2013

« Les Camerounais sont pauvres, improductifs et vaniteux »



Hubert Mono Ndjana. Le philosophe analyse le phénomène des détournements de fonds publics au Cameroun et la propension compulsive de certaines personnes à accumuler argent et biens matériels.

Hubert Mono Ndjana
Malgré les interpellations de hautes personnalités, les détournements de fonds publics prospèrent. Comment comprenez-vous cela ?
Nous sommes ici dans une totale confusion de langage. Vous parlez de « hautes personnalités ». Il s’agit peut-être de « personnalités ». Mais d’où vient le qualificatif « hautes », dès lors qu’elles se retrouvent dans une situation d’interpellation, pour les raisons que l’on sait ? Je vénère cent fois plus le catéchiste ou le noble planteur de mon village, qui ne prend pas les choses d’autrui, par rapport aux fripouilles  que le protocole d’Etat nous oblige à respecter et qui se plaisent à détrousser les 20 millions de citoyens que nous sommes. Le petit voleur à la tire, qui dérobe le téléphone portable d’une personne, qui ne fait donc du tort qu’à une personne, est encore préférable aux voyous à col blanc qui causent du préjuge à 20 millions de citoyens. Leur peine devrait être multipliée 20 millions de fois. Mais ils bénéficient de la mansuétude du Tribunal criminel spécial, tandis que le petit voleur du marché central écope  de toute sa peine, même s’il remet  en place le téléphone volé.

Revenons donc à ma question…
Votre question qui consiste à savoir comment on peut expliquer la permanence des détournements malgré les interpellations… Pour moi, il est normal que les gens continuent à faire ce qu’ils considèrent comme normal. D’après ma théorie de l’écart et de la norme, notre société se caractérise par le fait d’avoir écarté la norme et d’avoir normalisé l’écart. Il s’agit bien d’un fait, et non d’une idée imaginaire. C’est pour avoir normalisé l’écart que les comportements d’écart n’étonnent plus personne. C’est de s’arrêter de détourner les fonds qui serait, au contraire, étonnant. Les interpellations ne peuvent pas avoir un caractère d’exemplarité dès lors que l’instance répressive a d’elle-même aménagé des soupapes de sécurité pour édulcorer les effets de la faute. Quand le criminel sait qu’il peut s’en sortir en remboursant, et cela d’autant qu’on n’établit jamais la totalité des montants volés, rien ne peut l’obliger à s’arrêter de voler. C’est pour cela que les arrestations actuelles ne découragent pas les détourneurs potentiels.

Les sommes souvent mises en cause sont hallucinantes…  
Oui, ça peut donner le tournis. C’est de la démesure dans le mal. Quand vous lisez  un journal publiant les statistiques du vol,  vous vous demandez tout simplement par quel miracle le Cameroun tient encore débout !

On observe, dans l’ensemble,  que nous, Camerounais, sommes trop attachés au matériel…
C’est même du matérialisme vulgaire. Nos voleurs à col blanc opèrent sans objectif, sans savoir pourquoi, sans motif et sans projet. Juste parce qu’ils sont placés là où passe de l’argent. Alors, ils se servent, sans aucune  autre justification que c’est parce que c’est faisable. Ce sont des détournements absurdes. C’est parce que c’est de l’argent, c’est parce que c’est moi. « On ne dort pas au premier banc », susurre une morale populaire qui parle à notre inconscient. Dans un vieux texte d’il y a trente ans, j’avais essayé de définir le concept de mentalité digestive. Quelques années plus tard, Jean-François Bayart parlait, lui, de la politique du ventre. Voyez donc à quel niveau se situent les motivations de  nos actions ! Notre cerveau, c’est le tube digestif, dont le génie inventif a créé  toutes sortes de proverbes autour du manger.

Une seule personne, parfois fonctionnaire, peut avoir a  cinq villas, dix voitures de luxe, des comptes bancaires fournis, etc. Comment comprendre cette propension compulsive a l’accumulation ?
Cette propension à l’accumulation excessive des biens est ce qu’Aristote appelait la chrématistique. La plupart des voleurs s’adonnent à ce luxe ostentatoire par besoin d’affirmation. Cette tendance résulte  en effet d’un complexe d’infériorité vivement ressenti, de frustrations autrefois subies, d’un manque de personnalité actuel, ou tout simplement d’une concurrence infantile avec un voleur de même calibre, toutes  maladies de la personnalité dont chacun veut triompher par une expression exubérante de sa puissance financière. Mais c’est plus qu’il n’en faut pour une personne, pour une famille. Une ostentation de ce niveau n’est rien d’autre qu’un signe de faiblesse mentale, qui pourrait  inspirer l’axiome que dans un pays pauvre, l’acharnement chrématistique des individus est un indice fort du sous-développement de l’ensemble. Dans Le défi mondial, Jean-Jacques Servan-Schreiber raconte son étonnement d’avoir voulu rendre visite à M. Mitsubishi et d’avoir plutôt retrouvé un vieil homme, accoudé sur le balcon d’un appartement, à côté d’une vieille dame. Il leur déclara qu’il voulait voir M. Mitsubishi, et le vieil homme lui répondit tranquillement: « C’est moi ». Il n’y avait aucun parking rempli d’aucune voiture ! Les deux exemples sont inversement proportionnels : dans le premier cas, il s’agit de fonctionnaires, improductifs, vains, et vaniteux ; dans le deuxième, d’un industriel, productif à l’échelle mondiale, puissant, calme et discret. Les Japonais sont riches et sérieux, les Camerounais, pauvres, improductifs et vaniteux. Pareille mentalité ne permet pas à un pays de décoller.

Beaucoup de ceux qui détournent ont pourtant des salaires de l’ordre de plusieurs millions et les avantages qui vont avec : personnel de maison pris en charge, villa de fonction, bons de carburant,  etc. Et pourtant, ils « volent » quand même.
On peut dire qu’il s’agit généralement de parvenus, sans grande valeur intrinsèque. Dès qu’ils se trouvent propulsés dans les hautes sphères de l’Etat, souvent par népotisme, ou par simple appartenance à une loge prisée, ils pensent pouvoir se servir à leur guise et à l’ombre de la haute protection. Ils ne voient pas le ridicule de l’excès et c’est en cela qu’ils demeurent infantiles. Ils se croient tout permis et lorsqu’ils sont  pris dans une enquête, car il existe toute de même déjà une pression qui fait sauter les verrous, ils se mettent à pleurer. Certains disent en pleurnichant qu’ils ne savent pas ce qu’ils ont fait ! Vous appelez ça des hommes d’Etat ? Plutôt des inconscients, puisqu’ils ne savent pas ce qu’ils ont fait ! Pour eux, les comportements d’écart sont « normaux ».

A quoi peut servir tant d’argent et de richesse  pour des gens qui, parfois, sont d’un âge bien avancé ?
Je n’ai pas la même évaluation des âges que vous, excepté pour un très ancien D.G que l’on vient de signaler et qui porte bien la crinière d’un vieux lion. Pour les autres, ce sont tous des gens à la force de l’âge, des « quadras » et des « quinquas ».  Leur argent, pour ainsi dire,  pourrait bien se transformer en capital primitif pour initier des investissements productifs et rentables. Mais dans la tournure où vont  les choses, il ne m’étonnera  pas que cet argent serve à financer des milices ou des mercenaires venant d’un peu partout en Afrique. Tous ces grands détenteurs de capitaux auront, le moment venu,  les mêmes convoitises et, ainsi,  tout le capital d’un pays  va se retourner contre lui-même, contrairement au capital de l’Europe conquérante, qui, obéissant à la loi d’airain, ne servait qu’à l’auto-multiplication de lui-même.

On oublie souvent, de relever la responsabilité et le rôle  néfaste que jouent les multiples maîtresses qu’entretiennent nos hautes personnalités à grands frais, et qui sont d’une boulimie matérielle incroyable.
Je  ne pense pas qu’on puisse raisonnablement inclure le jeu des maîtresses comme variable pertinente dans l’analyse du macro-phénomène des milliards détournés. C’est vrai qu’une célèbre maîtresse avait reconnu qu’un milliard de francs s’était retrouvé dans son compte. Elle s’était justifiée en disant que ce n’était pas elle qui gérait sa société d’appartenance. Donc, elle n’était auteur d’aucun détournement. Mais, généralement, elles ne sont pas  nombreuses à détenir la somme signalée. Elles ne sont pas la cause des détournements. Au regard du macro-phénomène dont nous parlons, les frais que coûtent les maîtresses, en passant, ne sont que des dépenses contingentes. L’essentiel se retrouve dans les paradis fiscaux, dans ces banques étrangères qui, connaissant bien la provenance des fonds déposés chez elles ainsi que les modalités d’enrichissement des déposants, doivent  bien être considérées comme des receleurs. Si je pouvais faire dans le droit international, je trouverais bien une formule d’accusation, je définirais un délit spécifique à ce genre de recel.

Et comme l’a dit un chanteur, « nos riches sont chiches », insensibles à la misère qui les entoure…  
Quand j’étais petit, au collège, j’avais vu un film émouvant, un film hindou intitulé Azad le brigand bien aimé. Je n’ai jamais oublié ce film. Azad volait aux riches pour redistribuer aux pauvres. Ce n’est pas la même situation. Ici, nos voleurs n’ont aucun caractère chevaleresque. Ils volent à l’Etat, et donc au peuple. Ils ne peuvent donc rien redistribuer, et cela d’autant que, surtout, ils ont dû endurer des sacrifices douloureux, comme Faust, pour parvenir à leurs positions d’enrichissement.

Est-ce que le fait d’avoir une poignée de milliardaires au milieu d’une foule de gueux ne peut pas, tôt ou tard, provoquer des remous sociaux?
Je vous cite ici un proverbe français : Tant va la cruche dans l’eau qu’à la fin elle se crève. Le mécontentement peut donc exploser s’il atteint son paroxysme. Les émeutes  de la faim en février 2008 ont été un signe précurseur.

Comment en est-on arrivé là ?
A un moment donné, le peuple exprime son ras-le-bol devant l’exaspération  de la misère quand il sait qu’il y en a pour tout  le monde. Ce pays est scandaleusement  riche, mais certains se sont organisés pour se partager, entre eux seulement, les richesses du sol et du sous-sol, en excluant ceux qui n’appartiennent pas à leurs réseaux néocoloniaux. La ligne d’exclusion, sur le terrain social, est d’une précision chirurgicale.

Ces détournements de fonds publics  causent un préjudice terrible au Cameroun, qui en est encore à avoir des problèmes basiques d’eau, de choléra, etc. Comment mettre fin à la saignée ?
En appliquant constamment bien la loi. C’est la boussole qui guide la marche des Etats.

D’aucuns suggèrent un réarmement moral. Qu’en pensez-vous ?
En ce moment, la morale s’avère inefficiente toute seule. La décrépitude est si avancée qu’il faut tout d’abord récurer l’espace public en faisant jouer le binôme du crime et du châtiment. Embrayer sur la morale signifie qu’on s’apprête à tout absoudre. Le règne de la morale suppose que la société se soit réconciliée avec elle-même à travers l’expiation des fautes commises, qui furent  et qui sont très graves. Le moment de la vérité doit précéder celui de la réconciliation. Si le Tribunal Criminel Spécial élargit tranquillement tous ceux qui remboursent quelque chose après avoir volé, comment nous, enseignants, allons-nous encore enseigner le principe et le sens même de la faute en tant que telle ? Comment pourrons-nous continuer à enseigner l’impératif catégorique ? A la maison même : comment punir encore un enfant qui a remboursé le bonbon volé ? Le principe du TCS a complètement perturbé la perception de la faute, puisque la punition, grosso modo, devient facultative. Le ministre de la Justice peut libérer le criminel si le corps du délit est restitué… En Chine, on vient d’administrer une piqûre intraveineuse à de fieffés criminels, voleurs de haut niveau et trafiquants de drogue. N’allons peut-être pas jusque-là, puisque nous avons ratifié l’interdiction de la peine de mort. Mais  méditons tout de même sur  l’excès de mansuétude qui nous caractérise vis-à-vis des grands voleurs.

Le réarmement moral est d’autant plus difficile qu’on observe que les religieux ne sont pas en reste, ils sont de plus en plus attachés aux costumes de marque, aux grosses voitures, aux villas, bref des épicuriens, comme dirait le philosophe…
Ils sont de leur temps, et je crois qu’il leur faut aussi des moyens d’intervention et de communication efficaces pour aller dans le sens du monde. Il faut qu’ils se sentent à l’aise, qu’ils prennent même du bon vin quand c’est possible, mais sans basculer dans un épicurisme outrancier, qui est la recherche des plaisirs pour elle-même. La recherche du confort pour le clergé quand ce dernier s’en sert à des fins professionnelles, me semble naturelle. Il y a seulement déviance quant à s’asseoir sur la même table que le diable et à manger dans sa main en tant que source de tout pouvoir, source infaillible d’enrichissement. Malheureusement, à cause des sollicitations terrestres, bien des hommes de Dieu succombent à la beauté du diable. C’est ce syncrétisme entre les tendances matérielles et les valeurs crypto-spirituelles que je désigne par le terme de matério-spiritualisme. Des sortilèges y abondent plus que les miracles, et les ressorts de la crainte ou interdits, beaucoup plus que le sentiment de quiétude et de confiance. Les adeptes du matério-spiritualisme sont des aventuriers de l’action. Ça peut bien se terminer, ou très mal, avec eux- C’est le chemin du moindre effort, où des crimes sont souvent rentables. Mais, au bout du compte, on regrette toujours.

La Constitution a prévu une déclaration des biens  avant et après  l’exercice  d’une haute fonction. Ce qui n’est pas le cas en  ce moment. Est-ce de nature à justifier les détournements ?
Incontestablement. Nous sommes des pécheurs en eaux  troubles. Nous sommes des sorciers, allergiques à la lumière et adaptes d’obscurantisme.

Pour parler de vous, à titre personnel, auriez-vous quelque gêne à déclarer vos biens, si on vous le demandait ?
Je suppose qu’il s’agit-là d’une interrogation indirecte. Alors, et au nom de l’article 66,  je vous dirai que j’ai une maison à Yaoundé, et une autre à Ekabita, mon village natal, à côté  d’Obala. Elles ne sont même pas vraiment terminées. J’ai aussi une cacaoyère qui donne presque la moitié d’une demi-tonne de cacao chaque année. Et si vous n’êtes pas allergique à  la couleur rouge, comme le taureau, vous pouvez aller regarder mon compte à la BICEC. Et pour ne rien cacher,  permettez-moi d’ajouter : j’attends une Peugeot que mes enfants viennent de m’acheter à l’occasion de mon départ à la retraite. Si jamais on m’appelle à de hautes fonctions un jour, hypothèse d’école, il faudra conseiller au public  de se référer à la présente interview.

Qu’est-ce qui suffirait, matériellement, à faire votre bonheur ?
La bonne santé, la bonne cuisine et les meilleurs ouvrages de philosophie.
Propos recueillis par Jean-Bruno Tagne

Le Cameroun a-t-il mal à sa sécurité ?


Yaoundé 5 mars 2013. Menaces. Cinq ans d’attaques de pirates nigérians dans la péninsule de Bakassi, rapts et assassinats à l’Est à la frontière avec la Rca, etc. le Cameroun est-il à la merci de bandes armées ? 

 
Déjà 14 jours que sept Français appartenant à la même famille ont été enlevés dans la localité de Dabanga, non loin du parc de Waza dans la région de l’Extrême-Nord. L’enlèvement a eu lieu le 19 février 2013 aux environs de 7h. Une poignée d’hommes armés ont braqué la voiture à bord de laquelle se trouvaient les touristes avant de fuir vers le Nigeria sur des motos. L’on sait depuis lors, que les sept Français sont aux mains de la secte nigériane Boko Haram, qui a revendiqué le rapt, vidéo des otages à l’appui. 

Si l’enlèvement des touristes français dans l’Extrême-Nord est quelque chose de nouveau, les exactions de Boko Haram dans cette partie du Cameroun, en revanche, ne datent pas de ce kidnapping. Certains médias camerounais ont régulièrement rendu compte de la présence nuisible de ces malfaiteurs venus du Nigéria sur le sol camerounais. Les deux pays partagent une longue frontière poreuse de près de 1200 km. 

Un peu plus loin, dans l’Est du Cameroun, l’on a essuyé plusieurs attaques attribuées à des rebelles venus de la République centrafricaine (Rca). Au cours des mois de septembre et octobre 2012, ces rebelles ont fait plusieurs raids au Cameroun, faisant cinq morts, dont un gendarme camerounais. D’autres personnes ont été enlevées et prises en otage dans les localités de Garoua-Boulaï et Yoko Siré. Les rebelles centrafricains, qui ont une base à 9km de Yoko Siré, selon le reporter du Jour dans l’Est, citant des sources sécuritaires, viennent régulièrement en terre camerounaise se ravitailler en vivre. Depuis lors, une équipe du Bataillon d’intervention rapide (Bir) a été envoyée pour tenter de sécuriser la frontière entre le Cameroun et la Rca, qui devenait un coupe-gorge pour les paysans locaux.  

Bakassi Freedom Figthers 

Dans le Sud-Ouest du Cameroun, les problèmes de sécurités sont également légion. Dans la nuit du 27 au 28 février 2008, un commando d’une quarantaine de personnes, venu de la mer attaquait trois banques de la ville de Limbé. Pendant trois longues heures, les assaillants vont opérer et s’en aller sans que les forces de l’ordre lèvent le petit doigt. Après cette attaque, le ministre de la Défense de l’époque, Rémy Zé Meka confiera à la Bbc qu’il était prévenu de l’assaut…
Dans la même région et plus précisément à Bakassi, le Bir a régulièrement maille à partir avec plusieurs groupes rebelles venus du Nigeria : Africa Marine Commando (Amc), Bakassi Freedom Figthers (Bff), etc. Assassinats, enlèvements suivis de demandes de rançons, sont quelques unes des opérations menées par ces assaillants.
Le 6 février 2011, le sous-préfet de Kombo Abedimo, dans la localité de Bakassi, Ayuk Edward Takou, et 12 personnes sont interceptés par des pirates. Rapt revendiqué par les Bakassi Freedom Figthers, un groupe armé opérant dans le Delta du Niger, qui exige une rançon. Ce même jour, dans la nuit du 6 au 7 février, des hommes armés à bord d’embarcations attaquent la brigade de gendarmerie de Mbonjo, toujours dans la péninsule de Bakassi. Le Commandant de brigade et un gendarme sont tués. Cinq ans déjà, que la zone de Bakassi est régulièrement l’objet d’incursions violentes de groupes armés nigérians.
Même la métropole économique Douala, n’est pas à l’abri des actes de brigandage spectaculaires. Le 18 mars 2011, un groupe d’hommes armé de fusils et d’explosifs lancent un assaut sur l’agence d’Ecobank de Bonabérie à Douala. Cinq personnes sont tuées au cours de cette attaque. Des suspects sont interpelés et remis aux mains de la Justice.

Bataillon d’intervention rapide

Au regard de ces multiples cas de grand banditisme et autres attaques aux frontières camerounaises, l’ont est fondé à se demander s’il y a une menace sur la sécurité au Cameroun. 

« Le Cameroun est exposé à de nouvelles formes de tensions et de menaces : la piraterie maritime, les coupeurs de route ou les réseaux de contre bande. Voilà ce qui expose le Cameroun à de nouvelles pressions sécuritaires », analyse le politologue Mathias Owona Nguini. 

Le gouvernement camerounais a-t-il pris ces menaces au sérieux et a-t-il pris des mesures qui s’imposent ? « Des mesures de sécurité ont été prises dans ce cadre avec la mise en place de certaines unités spécialisées ou spéciales telles que le Gpi, pour la gendarmerie national, le Bataillon d’intervention rapide pour l’armée de terre. Cela montre que le Cameroun a essayé de circonscrire ces menaces qu’il envisage d’ailleurs de résoudre en appui avec les pays frontaliers, notamment le Tchad et la république Centrafricaine », explique Mathias Owona Nguini.

Mais d’autres analystes pensent qu’il faut rester attentif. « Si on n’y prend garde, explique une source militaire, le Cameroun risque de devenir une base arrière pour toute sorte de bandits. S’ils se rendent compte que les frontières sont poreuses et que la sécurité est faible, eh bien, ils peuvent venir régulièrement prendre des otages chez nous pour ensuite aller les marchander. Il faut renforcer la sécurité à nos frontières et même à l’intérieur du pays. Quand je vois que la partie de l’Extrême-Nord du Cameroun est classée zone dangereuse, j’ai mal. Il faut faire quelque chose pour rassurer non seulement nos compatriotes, mais également des touristes qui apportent quand même un peu d’argent à notre pays. »
Jean-Bruno Tagne

Le parti de Kamto n’ira pas aux élections



Yaoundé le 5 mars 2013. Sénatoriales. C’est ce qui ressort d’une conférence de presse organisée hier au siège du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc). 

Yaoundé, 4 mars 2013. Maurice Kamto lors de sa conférence de presse
Maurice Kamto avait l’air grave hier, 4 mars 2013, au siège de son parti, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc). Non seulement le professeur est arrivé à sa conférence de presse avec quelques minutes de retard pour avoir passé près d’une heure dans les bouchons, mais en plus, le sujet de l’échange avec les journalistes, selon son parti, ne donnait pas à sourire : la convocation du corps électoral pour les sénatoriales avant les élections législatives et municipales. « C’est un acte grave », soupirent certains militants avant l’adresse du président du Mrc aux journalistes invités. Soucieux des questions de forme, le président national du Mrc rappelle toujours qu’il s’agit d’une position adoptée par le directoire de son parti après la décision du président de la république, le 27 février dernier, de convoquer le corps électoral pour les sénatoriales. 

Dès l’entame de son propos, Maurice Kamto donne le ton. « Le Mrc tient à dénoncer énergiquement les manœuvres provocatrices et les atteintes graves à notre démocratie balbutiante que constitue la décision inique de tenir les élections sénatoriales avant les élections municipales et législatives attendues cette année, et dont seul le président du Rdpc et son parti connaissent la date », affirme Maurice Kamto. Pour lui, la convocation du corps électoral pour l’élection des sénateurs est non seulement une « fraude à la loi », mais aussi « une atteinte grave à la démocratie » et « une tentative de découragement des Camerounais à s’inscrire sur les listes électorales ». 

Maurice Kamto dénonce l’illégitimité des conseillers municipaux actuels, qui forment le corps électoral des sénatoriales en ce sens qu’ils « ne tiennent plus leur mandat du suffrage universel, mais des décrets présidentiels successifs qui ont déjà prorogé leur mandat de 12 mois ». « Ils n'ont plus une légitimité issue du suffrage universel, mais une légitimité décrétale. Or c'est en vertu de leur propre légitimité populaire que les Conseillers municipaux peuvent conférer une légitimité démocratique aux sénateurs qui, je dois le rappeler, participent au processus d'élaboration et d'adoption des lois », poursuit-il. 

Pour ce professeur d’université, « en faisant des conseillers municipaux dont le mandat a expiré depuis juin 2012, et prorogé à deux reprises, le collège électoral des sénateurs, le président de la République prive les citoyens camerounais de leur droit à la « participation effective (...) aux processus démocratiques » stipulé par l'article 3(7) de la Charte de la démocratie, des élections et de la gouvernance de l'Union africaine, entrée en vigueur en 2012 à la suite de sa ratification par le Cameroun et qui s'impose donc à notre pays ». 

S’agissant de l’atteinte à la démocratie, le président du Mrc estime que « les élections municipales et législatives attendues étaient l'occasion de retremper les mandats des conseillers municipaux et des députés expirés depuis belle lurette aux sources de la légitimité populaire, de mesurer le poids électoral des différentes formations politiques qui occupent la scène politique camerounaise aujourd'hui ». Il poursuit : « Rien ne permet de croire que le RDPC aurait pu s'en sortir avec la majorité des suffrages et même des élus. C'est sans doute pour se prémunir de cette perspective incertaine que son Président a décidé de confisquer le Sénat au profit de son parti. » Il estime alors qu’il s’agit d’une « régression dramatique de notre démocratie tâtonnante ».

En toute logique, le Mrc, comme l’a affirmé à mi-mot son président, ne sera pas de la course pour les élections sénatoriales d’avril 2013. Mais il invite les Camerounais à continuer de s’inscrire sur les listes électorales pour sanctionner le Rdpc aux élections législatives et municipales prochaines.
Jean-Bruno Tagne

Déclaration du mouvement pour la renaissance du Cameroun
Maurice Kamto : "Le calendrier électoral tel qu'agencé exclut d'office de ce scrutin sénatorial les partis politiques qui n'ont pas de conseillers municipaux"
Le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) a pris connaissance, avec l'ensemble du peuple Camerounais, le 27 février 2013, de la convocation du corps électoral pour les élections sénatoriales par le Président de la République.
Parti républicain, le MRC a toujours tenu, en tout temps et en tout lieu, à affirmer son attachement au respect des institutions et des lois de la République, dans le souci de la préservation de la paix si chère à notre peuple et à lui-même.
Le MRC tient cependant à dénoncer énergiquement les manœuvres provocatrices et les atteintes graves à notre démocratie balbutiante que constitue la décision inique de tenir les élections sénatoriales avant les élections municipales et législatives attendues cette année, et dont seul le Président du RDPC et son parti connaissent la date.
1-   Une fraude à la loi
Le scrutin sénatorial se fait au suffrage indirect. Le peuple camerounais ne participe donc pas directement à ce scrutin. Il y participe cependant indirectement à travers le choix des Conseillers municipaux (et régionaux) qui forment le collège électoral.
En faisant des conseillers municipaux dont le mandat a expiré depuis juin 2012, et prorogé à deux reprises, le collège électoral des sénateurs, le Président de la République prive les citoyens camerounais de leur droit à la « participation effective (...) aux processus démocratiques » stipulé par l'article 3(7) de la Charte de la démocratie, des élections et de la gouvernance de l'Union africaine, entrée en vigueur en 2012 à la suite de sa ratification par le Cameroun et qui s'impose donc à notre pays. Or le Cameroun et les autres Etats parties à cette Charte « considèrent la participation populaire au suffrage universel comme un droit inaliénable des peuples » (article 4)
En disposant que le Sénat peut, le cas échéant, être mis en place avant l'élection des Conseillers régionaux, la modification constitutionnelle de 2008, ne donne pas au Président de la République un blanc seing pour procéder à la manipulation de la situation juridique du collège électoral résiduel des Sénateurs que constituent les conseillers municipaux. Il reste tenu par les règles régissant les régimes démocratiques pour autant que le régime camerounais en soit.
Le grave problème qui se pose n'est celui de la constitutionnalité de la décision d'organiser le scrutin sénatorial avant les législatives et les municipales, mais celui de la conformité d'une telle décision avec les règles et standards démocratiques auxquels le Cameroun a souscrit librement, notamment au niveau international. Faut-il rappeler que les Etats Parties à la Charte de la démocratie, des élections et de la gouvernance précitée fait obligation aux Etats de prendre « les mesures nécessaires pour établir et maintenir un dialogue politique et social ainsi que la transparence et la confiance entre les dirigeants politiques et les populations en vue de consolider la paix et la démocratie » (article 13) ?
Les Conseillers municipaux actuels ne tiennent plus leur mandat du suffrage universel, mais des décrets présidentiels successifs qui ont déjà prorogé leur mandat de 12 mois. Ils n'ont plus une légitimité issue du suffrage universel, mais une légitimité décrétale. Or c'est en vertu de leur propre légitimité populaire que les Conseillers municipaux peuvent conférer une légitimité démocratique aux sénateurs qui, je dois le rappeler, participent au processus d'élaboration et d'adoption des lois.
Le MRC réitère que le seul fait que la Constitution, dans sa modification de 2008 dispose que le Sénat peut être mis en place avant l'élection des Conseillers régionaux ne fonde pas la légalité du collège électoral des sénateurs dans sa situation actuelle. Le Président de la République a manifestement pris des libertés par rapport aux engagements internationaux du Cameroun en matière de démocratie, des élections et de la gouvernance.
2-   Une atteinte grave à la démocratie
Les élections municipales et législatives attendues étaient l'occasion de retremper les mandats des conseillers municipaux et des députés expirés depuis belle lurette aux sources de la légitimité populaire, de mesurer le poids électoral des différentes formations politiques qui occupent la scène politique camerounaise aujourd'hui. Rien ne permet de croire que le RDPC aurait pu s'en sortir avec la majorité des suffrages et même des élus. C'est sans doute pour se prémunir de cette perspective incertaine que son Président a décidé de confisquer le Sénat au profit de son parti.
Le calendrier électoral tel qu'agencé exclut d'office de ce scrutin sénatorial les partis politiques qui n'ont pas de conseillers municipaux.
En décidant d'organiser le scrutin sénatorial avant les élections municipales et législatives, il ne fait aucun doute que le Président de la République prépare un Sénat unicolore et monolithique, un Sénat tout aux couleurs du son parti. Après 22 ans de démocratie capturée, on attendait un peu mieux. Même s'il désignait parmi les 30 sénateurs qu'il a le pouvoir de nommer des personnalités issues des partis politiques alliés au RDPC, cela n'y changerait rien. Un sénateur nommé par le Président de la République, Président du RDPC, ne pourra agir autrement que comme un sénateur du RDPC, puisqu'il tiendra son mandat du Président du RDPC.
Il s'agit d'une régression dramatique de notre démocratie tâtonnante que le MRC condamne avec gravité et de la manière la plus solennelle.
3-   Une tentative de découragement des Camerounais à s'inscrire sur les listes électorales

Le pouvoir RDPC qui feint de se plaindre de la désaffection des Camerounais pour les inscriptions sur les listes électorales n'a cessé de les décourager depuis les élections pluralistes de 1992 en déclarant aux populations que les candidats du RDPC aux différentes élections seront élus, qu'on les vote ou que l'on ne les vote pas.
En cette année électorale 2013, alors que différentes formations politiques du pays se sont jetées dans la mobilisation des électeurs potentiels pour les inscriptions sur les listes électorales, ce pouvoir réfractaire à la démocratie tente de les démobiliser en détournant leur attention avec des élections sénatoriales dont ils ne sont pas électeurs, alors qu'Elecam dans sa campagne "fait croire le contraire. D'autre part, en anticipant ainsi les élections sénatoriales, ce pouvoir dépossède le peuple camerounais de la possibilité de mettre en place un collège électoral légitime à travers l'élection de nouveaux Conseillers municipaux.
Le MRC est convaincu que le cynisme politique ne peut payer éternellement et que le peuple Camerounais se rappellera le moment venu que ceux qui déclarent vouloir le voir aller nombreux aux urnes sont ceux-là mêmes qui mettent tout en œuvre pour l'en empêcher. En dépit de ces manœuvres grossières, le MRC réitère son appel pressant aux populations de s'inscrire massivement sur les listes électorales afin de pouvoir exercer le moment venu leur droit de vote et de changer pacifiquement un régime qui n'a ni du respect pour elles, ni de la compassion pour leurs souffrances, ni des réponses adéquates à leurs problèmes.
                                          
4-   L'Appel du Mrc aux Camerounais
Le MRC attire l'attention de la communauté nationale et internationale sur la multiplication des actes de provocations du peuple camerounais par le régime en place. Tout se passe comme si ce régime s'engageait dans la préparation de la déstabilisation du pays afin de plonger le Cameroun dans une crise politique et une rupture de la paix qui lui donnerait une nouvelle occasion d'exercer une répression aveugle et de reprendre le contrôle d'une situation politique dont il n'a plus la maîtrise complète.
Le MRC appelle le peuple Camerounais à la vigilance afin de ne pas tomber dans ce piège. Le pouvoir en place étant resté sourd et méprisant aux exhortations et à la mise en garde du MRC et d'autres forces politiques nationales sur les conséquences dommageables pour l'image de notre pays de la décision d'organiser les sénatoriales avant les municipales et les législatives, le MRC appelle les Camerounais à exprimer leur rejet de cette décision inacceptable en sanctionnant sévèrement le Rdpc dans les urnes lors des prochaines élections municipales et législatives.
Il invite naturellement l'ensemble des populations à poursuivre avec lui, dans la paix, le combat pour l'avènement d'une véritable démocratie au Cameroun.