L’appel du ventre d’un ancien ministre des Finances

Yaoundé le 3 octobre 2011. Vendredi au cours d’un meeting du Rdpc, le parti au pouvoir, Edouard Akame Mfoumou a appelé à « voter massivement » pour le président Paul Biya. « Je veux encore manger. Je veux encore être ministre et même plus », a-t-il dit pour justifier cet appel.

Edouard Akame Mfoumou, ancien ministre des Finances

10 jours que la campagne en vue de la présidentielle du 9 octobre prochain a été lancée. Le désintérêt du public pour cette élection va chaque jour croissant alors que l’inconsistance des 23 candidats est aujourd’hui établie. Dans les meetings du parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), le culte de la personnalité de Paul Biya atteint des sommets. Difficile, au cours de ces parades, de savoir avec exactitude ce que ce parti qui dirige le Cameroun depuis 30 ans, entend proposer de nouveau pour sortir les Camerounais de la misère. On chante, on danse, on mange et on se partage les fonds publics qui ont été décaissés pour organiser la campagne.

Chaque ponte du parti-Etat, se bat comme il peut, dans l’espoir d’hériter d’un maroquin ministériel quand viendra l’heure du partage du gâteau. Dans cet exercice d’appel du ventre, chacun y va de sa verve, de son originalité. Aucune déclaration n’est de trop, ni trop ridicule.

Dans cet exercice de reptation, Edouard Akame Mfoumou, ancien ministre de l’Economie et des Finances et ancien ministre de la Défense a atteint un sommet vendredi à Meyomessala, l’arrondissement d’origine de Paul Biya. Au cours d’un meeting, il a appelé à voter pour le candidat du Rdpc en ces termes : « Nous, nous voulons encore manger. Nous ne sommes pas encore rassasiés. Si vous, vous êtes rassasiés, moi pas. Je veux encore manger, je ne suis pas encore rassasié, je veux encore être ministre et même plus. Paul Biya peut encore rester au pouvoir pendant sept ans, trente ans, pourquoi pas une éternité, pour que nous continuions à manger. »

Pour comprendre ce reflexe alimentaire grossier d’Akame Mfoumou âgé de 66 ans et qui fut, tout de même, directeur de banque et deux fois ministres sous Biya, il faut relire une interview récente de l’historien camerounais, Achille Mbembé. « Comme dans les satrapies anciennes, analyse-t-il, Paul Biya  a surtout perfectionné l'art de la manipulation. Les gens vivent suspendus à l'espoir d'être nommés, un jour prochain, à un haut poste où ils jouiraient des honneurs et des prébendes que sont censées procurer les positions de pouvoir au sein de l'appareil d'Etat. Il utilise ce sombre désir comme une ressource pour littéralement envoûter et paralyser la société. Nominations, révocations, disgrâces, déchéances et emprisonnements, puis retours spectaculaires en grâce, voila des recettes qui s'avèrent, à tous les coups, porteuses. »

Edouard Akame Mfoumou, ancien ministre des Finances

Edouard Akame Mfoumou, qui a certainement trop souffert de ne pas être à la mangeoire, a décidé de passer à l’offensive. La bataille post-présidentielle 2011 a commencé. Chacun sera récompensé (par un poste de ministre ou de Dg de société d’Etat) en fonction de ce qu’il aura fait pour montrer son assujettissement au chef de l’Etat, Paul Biya. Akame Mfoumou a visiblement marqué des points dans cette bataille alimentaire qui ne fait que commencer.

Il y a des chances de penser que le gouvernement qui sera issu de l’élection du 9 octobre prochain sera pléthorique. On va passer d’une soixantaine de portes feuilles à bien plus, tant les candidats au festin se font nombreux. Entre les anciens opposants devenus zélateurs du pouvoir et les militants du Rdpc, Paul Biya, 78 ans dont 30 passés au pouvoir, aura du pain sur la planche. Le petit peuple quant à lui, continuera de croupir dans la misère.