mercredi 19 octobre 2011

La menace à la paix c’est Paul Biya


La déclaration de Yaoundé, au cours de laquelle des candidats de l’opposition à la présidentielle du 9 octobre 2011 ont appelé le peuple à manifester, nous donne une autre occasion de vivre un type de spectacle que la scène artistique nationale a désormais intégré. Ce n’est pas vraiment du cinéma, ni du théâtre, car il y en a dans l’affaire qui sont sérieux. Ça se rapproche un peu de la récitation ou d’une musique sans instruments. C’est le bal de personnages hétéroclites qui défilent depuis des heures sur les ondes de la Crtv et qui noircissent les colonnes de Cameroon Tribune, de l’Action, ou l’espace public tout simplement.

Il y a des griots confirmés, des semblants d’opposants, des presque fous qui s’invitent au banquet et des types perdus de vue depuis des lustres qui fort opportunément viennent faire la danse du ventre devant Paul Biya.

Le message est le même : non à la provocation, non au désordre, non à la violence, non à la rébellion. Mais où diantre sont-ils allés chercher toutes ces frayeurs? Pourquoi le pouvoir joue-t-il à se faire peur en se fabricant un épouvantail de chambre ? Jamais Fru Ndi, Ndam Njoya et autres n’ont parlé de guerre, de violence ou de rébellion. Ils ont juste appelé le peuple à revendiquer son droit légitime à des élections libres et transparentes.

Et du coup, M. Fame Ndongo et d’autres types qui chantent sa chanson, pour des espèces sonnantes et trébuchantes, forcément, se mettent à hurler au loup. On appelle les jeunes à résister à la provocation, on infantilise les Camerounais en leur disant ce qui est bon pour eux, mais on oublie que la seule façon de prévenir la violence à l’occasion d’une manifestation est de ne pas user de violence pour bâillonner les citoyens qui revendiquent leurs droits. Les discours d’appel à la paix doivent s’adresser à M. Biya et à ses amis policiers ou soldats et non au tranquille peuple qui ne demande qu’à vivre et à vivre dans la paix qu'on leur a volée.

Dans son développement à la Crtv, mardi, Fame Ndongo a rappelé qu’en Afrique la parole était sacrée et qu’il fallait la respecter. Eh oui, M. le ministre et chef traditionnel, M. Biya, en faisant modifier la Constitution pour briguer d’autres mandats présidentiels à près de 80 ans dont presque 30 passés à la tête du Cameroun, a manqué à a sienne. S’il n’était pas un grand-père, j’aurais dit qu’il a menti ! Et c'est un casus belli.
Jules Romuald Nkonlak (un Indigné)


mardi 18 octobre 2011

Que seraient les tyrans africains sans le soutien de la France ?

Sarkozy en compagnie du "meilleur élève de la France"
Yaoundé 19 octobre 2011. Paris, par la voix de son ministre des Affaires étrangères a jugé que la présidentielle du 9 octobre au Cameroun s’est déroulée dans des conditions « acceptables ». Rien de surprenant, venant de cette France qui a soutenu les pouvoirs totalitaires de Bongo, Sassou, Eyadema, Deby, etc.

La France est en passe de donner sa caution à la mascarade électorale du 9 octobre dernier au Cameroun. Le 11 octobre, le ministre français des Affaires étrangères et européennes, Alain Juppé a vaguement affirmé que la présidentielle camerounaise s’était déroulée dans des « conditions acceptables ». Une réaction officielle de la France qui a fait sursauter de nombreux Camerounais. Eux qui ont assisté à une non-élection au cours de laquelle la fraude l’a disputé aux irrégularités les plus grossières. Monnayage des votes, fichier électoral problématique, votes multiples, absence de noms de certains électeurs sur les listes électorales, parti pris d’Elécam (l’organisme chargé de conduire le processus électoral) en faveur du candidat du RDPC, Paul Biya, harcèlement des opposants qui n’ont pas pu battre campagne à leur guise, utilisation des fonds et moyens de l’Etat en faveur du candidat Biya, médias officiels battant campagne pour lui, abstention massive, etc. Et tout cela ne serait donc pas de nature à entamer la régularité de la réélection annoncée de Paul Biya, selon la France.

Le soutien de la France de Sarkozy à Paul Biya n’a pas de quoi surprendre. Il était d’ailleurs prévisible, tant les intérêts économiques et mafieux de l’hexagone au Cameroun sont nombreux. Il est donc question de maintenir l’ami Biya au pouvoir, coûte que coûte, au nom des intérêts français au Cameroun. On peut citer entre autres les nombreuses affaires du groupe Bolloré, le PMU, Orange, Razel, Total, etc. A cela, il faut ajouter une horde de communicants français (Patricia Balme, Stéphane Fouks, Yasmine Domon Bahri, etc.) qui défilent à Yaoundé, chèrement payés pour polir l’image du pouvoir totalitaire de Paul Biya, 78 ans, au pouvoir depuis 1982.
Le syndicat réuni

Le quotidien camerounais, Mutations, dans son édition du 14 octobre dernier, révélait qu’un barbouze français, Daniel Léandri est arrivé au Cameroun et que la France a livré au Cameroun « un important matériel anti-émeute » dans la perspective de possibles manifestations postélectorales. La France est décidément indécrottable et on peut dire que la françafrique, annoncée morte à l’arrivée de Nicolas Sarkozy, a encore de beaux jours devant elle.

En janvier dernier, pendant que les Tunisiens manifestaient contre la dictature de Ben Ali, la France se proposait d’offrir son expertise répressive à la police locale pour mater le peuple alors en colère. C’est également cette même France qui installa Ali Bongo, le fils de son père au pouvoir au Gabon, permit au fils Eyadema de succéder à son père au Togo, aida Denis Sassou Nguesso, chasser du pouvoir à se réinstaller par les armes.

L’on a aussi appris que la France a régulièrement soutenu le régime dictatorial de Kadhafi. Non seulement en lui livrant des armes, mais aussi en aidant les services de renseignement libyens à traquer les moindres opposants au clan Kadhafi. Selon les révélations du Wall Street Journal, Amesys, une filiale du groupe informatique français Bull, Amesys, a collaboré avec le régime du colonel déchu pour l’aider à espionner ses opposants en lui livrant un logiciel de surveillance d’Internet. Cette technologie a permis à l’ancien maître de Tripoli de mettre plus de 5 millions de Libyens sur écoute.

Kadhafi qui continue de courir aurait aussi été aidé dans sa fuite par la France. Selon le site Internet Mediapart, la société française Bull-Amesys a conçu et livré en 2008 pour 4 millions d’euros, un 4x4 ultrasophistiqué indétectable aux radars et capable de brouiller et de neutraliser des engins explosifs. Un bunker roulant à bord duquel le boucher de Tripoli nargue le monde aujourd’hui.

« Quand la France se tiendra-t-elle enfin à distance respectable des miasmes irrespirables qui entourent des dirigeants africains corrompus ? », s’est interrogé le député français Serge Janquin le 11 octobre dernier à l’Assemblée nationale.

«L’Afrique sans la France, c’est une voiture sans chauffeur.
La France sans l’Afrique, c’est une voiture sans carburant»
Sacré Bongo !
Le soutien inconditionnel de Paris aux dictatures africaines au nom de quelques intérêts économiques est un gros risque. Il est évident que cette attitude va accroître un sentiment anti-français déjà très développé en Afrique francophone.

Malheureusement, le peuple ne fait souvent pas de distinction entre la France officielle ou gouvernante de Nicolas Sarkozy et cette autre France militante qui s’associe au combat et aux malheurs des Camerounais en proie à une authentique dictature depuis 29 ans. Hélas !



dimanche 9 octobre 2011

Présidentielle 2011 : quelle pagaille !


Comme eux, de nombreux électeurs n’ont simplement pas eu de cartes
Yaoundé 9 octobre 2011. L’élection du futur président de la république du Cameroun s’est déroulée depuis ce matin dans une ambiance de suspicion. Pas de scrutateurs de l’opposition, votes multiples, des observateurs dits « indépendants » qui font une haie d’honneur à Paul Biya au moment de son vote, encre délébile, prosélytisme des représentants du Rdpc dans les bureaux de vote, etc. L’élection, au moins à Yaoundé, aura été tout, sauf crédible.

Yaoundé. 14h. Devant la représentation Elécam pour l’arrondissement de Yaoundé VI, une foule d’hommes et femmes crient leur colère. Ils se sont régulièrement inscrits sur les listes électorales mais ne peuvent pas voter. Ils n’ont pas obtenu de carte électorale. Ils brandissent leur récépissé d’inscription. « Nous voulons voter. Je me suis inscrit à Mvog Beti. J’ai parcouru tout le quartier depuis le matin et je ne vois mon nom nulle part ! On nous trimbale partout. Ce n’est pas possible », se plaint une dame.

A côté d’elle, un homme, visiblement fatigué se dit déçu de ne pas pouvoir voter. Mais, c’est surtout l’attitude des responsables d’Elécam qui le déçoit. « Nous sommes là depuis ce matin et pas un seul responsable d’Elécam ne veut nous parler. Ils sont enfermés là-dedans et n’ont pas notre temps. C’est énervant », dit-il.

A l’intérieur de la représentation Elécam de l’arrondissement de Yaoundé VI, deux hommes et une dame assurent la permanence. Face aux journalistes, ils ne souhaitent pas s’étendre sur cette « petite » grogne. Tout au plus, ils accusent le « manque de sérieux » des victimes. « On a publié les listes provisoires depuis deux semaines. Où étaient-ils ? Ils ne doivent tout de même pas attendre le jour du scrutin pour pleurnicher », accuse l’une des dames de permanence.

Dans les bureaux de vote à Yaoundé, le vote ne se déroule pas dans la transparence. A l’école publique de Biyem-Assi qui compte cinq bureaux de vote, très peu d’électeurs sont présents. Mais ce qui fait surtout défaut, ce sont les scrutateurs de l’opposition. Il n’y en a pratiquement aucun. Seul le Rdpc, le parti du candidat sortant, Paul Biya, est représenté. Ses scrutateurs peuvent même se permettre un peu de prosélytisme en prenant le soin de proposer le bulletin du candidat sortant aux électeurs qui entrent.

Comme eux, de nombreux électeurs n’ont simplement pas eu de cartes
L’encre n’est pas indélébile. Les membres d’Elécam ne prennent pas le soin d’identifier celui qui vient voter, question de s’assurer qu’il est bien le propriétaire de la carte d’électeur qu’il tient entre ses mains. De nombreuses cartes gisent sur le sol. Abandonnées. « Je suis convaincu que le soir, au moment d’arrêter le scrutin, ils vont chercher des voyous pour voter avec ces cartes. Puisqu’on n’exige pas une carte d’identité et il n’y a pas les scrutateurs de l’opposition pour dénoncer ce genre de chose », confie un journaliste qui a fait plusieurs bureaux de vote de Yaoundé et a observé la même négligence dans le déroulement du scrutin.

A l’école publique de Bastos où Paul Biya a voté, il a bénéficié d’une haie d’honneur. Il a même été ovationné par les responsables d’Elécam, chargés de conduire le vote dans ce bureau spécial. Les observateurs nationaux et internationaux se sont agglutinés autour de lui, laissant la place à toute sorte de tripatouillages dans les autres bureaux de vote de la capitale.

. Yaoundé, ville morte en ce jour d’élection.


A quelques heures de la clôture des bureaux de vote, le constat qui se dégage est la pagaille qui règne dans le déroulement du scrutin. Ce qui fausse forcément la sincérité des résultats qui seront issus des urnes. Votes multiples, achat des consciences des électeurs à qui ont promet 2000 ou 1000 Fcfa contre les bulletins des autres candidats en dehors de Paul Biya, etc.


samedi 8 octobre 2011

Présidentielle 2011 : la farce électorale


Yaoundé le 8 octobre 2011. Paul Biya a repris son antienne vieille de 30 ans. Les opposants ont remis les mêmes banalités. L’électeur camerounais, à l’heure du choix est perdu, dans une élection qui a commencé à révéler ses couacs : inscriptions multiples, absence de cartes d’électeurs, des morts inscrits, bref, un fichier électoral archaïque, car non-informatisé. Ce qui jette des doutes sérieux sur l’honnêteté des résultats qui seront issus des urnes dimanche.

Un seul individu en possession de deux cartes. Un exemple de la pagaille.
Les Camerounais iront aux urnes dimanche (octobre 2011) pour l’élection de celui qui présidera aux destinées de leurs pays pour les sept prochaines années. La campagne électorale s’achève ce soir. Pendant 15 jours, les 23 candidats en lice n’ont rien proposé de sérieux aux Camerounais qui ont l’âme chevillée au corps. A l’heure du bilan, difficile pour le Camerounais lambda de dire avec exactitude ce qu’il a retenu de cette campagne électorale mièvre et sans éclat.

Les 22 candidats de l’opposition n’ont pas présenté grand-chose alors que Paul Biya, 78 ans et au pouvoir depuis 1982, a eu du mal à faire son propre bilan et à proposer quelque chose de nouveau. Ses militants du Rdpc ont paradé pendant 15 jours, ont fait la démonstration de puissance à travers les moyens de l’Etat et les fonds publics qu’ils ont utilisés à leur compte. Arrogance, insouciance, provocation et mépris ont rythmé la campagne du Rdpc.

Jamais on n’a assisté à un débat entre Paul Biya et ses autres challengers. Seuls ses seconds couteaux de ministre ont essayé sans convaincre, alors que Biya, lui, s’est contenté de monologues ennuyeux lors de ses trois tournées à Maroua, Douala et Kribi. On n’a pas entendu ces phrases chocs, ces piques qui font généralement le charme d’une bataille électorale sous des cieux où la démocratie et le débat public est chevillé. Rien. Que des banalités et la même antienne que Paul Biya chante aux Camerounais depuis 30 ans.

Tout ce qu’on retiendra dans cette campagne c’est l’iniquité de traitement des candidats dans les médias publics (la Crtv, la télévision publique et Cameroon Tribune, le quotidien gouvernemental). Paul Biya aura particulièrement été gâté par la télévision publique. Pour chacune de ses sorties, la Crtv a concocté des programmes spéciaux, avec une batterie d’envoyés spéciaux et autres éditorialistes excités pour commenter en direct la campagne du candidat du Rdpc, le parti au pouvoir.

Pendant ce temps, les autres 22 candidats ne pouvaient se contenter que des 2,5 minutes qui leur étaient consacrées chaque soir pour des messages préenregistrés et soumis à une censure stricte avant diffusion. Face à cette inégalité de traitement des candidats par les médias publics, le Conseil national de la communication est resté étrangement silencieux.

Au moment où les électeurs camerounais s’apprêtent à aller voter, les observateurs ne sont point rassurés. De nombreux couacs sont déjà observés et dénoncés, notamment par l’Ong Transparency international. Son représentant au Cameroun, Me Charles Nguini, a clairement émis des inquiétudes suur le déroulement du scrutin.  L’on s’est aperçu que le fichier électoral camerounais n’était pas informatisé. D’où les inscriptions multiples. On a vu des électeurs en possession de deux, trois ou quatre cartes d’électeur (voir la photo), ce qui leur permet de voter autant de fois. Plus insolites, l’on a eu plusieurs témoignages de gens qui affirment avoir retiré les cartes d’électeurs de personnes décédées. « Ma grand-mère est décédée il y a deux ans et pourtant, sa carte d’électeur est sortie », nous a-t-on confié.

Une autre jeune fille résident à Yaoundé à révélé qu’elle ne s’est jamais inscrite sur une liste électorale. Pourtant, quelle n’a pas été sa surprise lorsque vendredi dernier, son père qui réside dans la province du Sud l’a appelé pour lui dire qu’il détenait une carte d’électeur en son nom !
 
Ce sont ces irrégularités et bien d’autres qui ont entraîné la sortie de Hilaire Kamga, membre de la société civile camerounaise qui qualifie la présidentielle 2011 au Cameroun de « farce électorale ». « L’élection du 09 octobre 2011, avec Elecam écrit-il, ne sera ni juste, ni libre, ni transparente, et ne peut produire aucun changement au Cameroun (…) Il est aujourd’hui établi, avec les doublons, les triplons, les quadruplons, etc. que le corps électoral de 2011 ne pourra pas atteindre 6.500.000 électeurs. Ce qui fait moins de 30% de la population camerounaise. Il est donc impossible que le prochain président ait la légitimité suffisante pour gouverner sereinement dès lors que le taux de participation, par rapport au potentiel électoral, ne pourra pas excéder 20%. Il serait par conséquent souhaitable, pour M. Biya de tirer la seule conséquence qui s’impose. »
 
Le chanteur militant, Lapiro de Mbanga a aussi expliqué, dans une tribune parue dans la presse camerounaise pourquoi il votera bulletin nul le 9 octobre : « Le président candidat à sa propre succession, organisateur de cette élection, a versé aux yeux du monde entier, la honte sur mon pays le Cameroun. Car, comment peut-on faire une élection présidentielle à un tour avec 23 candidats ? »
 
La sincérité des membres d’Elections Cameroon  (Elécam), l’organe chargé de conduire le processus électoral est fortement mise en doute. Surtout depuis qu’on a appris que Pauline Biyong, membre d’Elécam, avait gagné le marché de l’affichage des posters du candidat au pouvoir, Paul Biya. Elle n’a finalement été démise de ses fonctions que deux jours avant le vote et sous la forte pression des médias et de certains partis politiques.

Dans les révélations faites il y a quelques temps par Wikileaks, le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Marafa Hamidou Yaya, au cours d’un entretien avec l’ambassadrice des Etats-Unis au Cameroun doutait de la crédibilité des membres d’Elécam, « trop corrompus » à son goût et friands d’argent. Les faits lui ont donné raison. On se souvient d’ailleurs que Samuel Fonkam Azu’u, le président du conseil électoral d’Elécam, avait été épinglé pour un trafic autour des ordres de mission de l’Assemblée nationale (il fut secrétaire général de l’Assemblée nationale), qu’il était soupçonné de vendre aux demandeurs de visas voulant se rendre aux Etats-Unis !

mardi 4 octobre 2011

Tout pour Paul Biya et rien pour les autres


Yaoundé le 4 octobre 2011. Seules les affiches du candidat-président sont visibles dans les grandes villes du Cameroun. La télévision publique lui consacre des heures de direct et les fonds publics sont mis à contribution pour sa campagne. Pendant ce temps, les 22 candidats de l’opposition rasent les murs et sont victimes d’obstructions des autorités administratives. 




L’affichage du candidat Biya a été réalisé par un membre d’Elécam
10 jours après le lancement de la campagne du scrutin du 9 octobre prochain, le candidat Paul Biya, 78 ans, au pouvoir depuis 1982, est enfin sorti du bois. Il est depuis ce matin à Maroua, dans l’Extrême-Nord du Cameroun où il doit battre campagne. Les populations locales, révèlent les médias camerounais, ont été soudoyés à 5000Fcfa en plus d’un pagne à l’effigie de Paul Biya, pour l’acclamer.

Cette visite du chef d’Etat–candidat a été diffusée en boucle sur la télévision publique, la Crtv. Editorialistes, chroniqueurs et autres grands reporters de la Pravda audiovisuelle locale ont mis leur voix à contribution pour servir aux téléspectateurs des commentaires enflammés de cette entrée en campagne de Paul Biya. Discours serviles, culte de la personnalité du chef de l’Etat, folklores en tout genre, les téléspectateurs en ont bavés. « Nous vous soutiendrons jusqu’à la dernière goutte de notre sang », a dit le président de l’Assemblée nationale, Cavayé Yéguié Djibril, sur un ton martial.

Pendant que la Crtv consacre des heures de direct au candidat du Rdpc, les autres 22 prétendants à la fonction présidentielle peinent à obtenir le moindre reporter pour les accompagner dans leur campagne. Tout pour le Rdpc et son candidat, rien pour les autres. Ils se contentent du strict minimum : les tranches d’antenne qui leur sont consacrées le soir à la télévision publique. Soit 2,5 maigres minutes environs pour s’adresser aux potentiels électeurs.

Depuis le début de la campagne, il y a, on le voit, une domination outrageuse du Rdpc et de son candidat, Paul Biya. A tous les niveaux.

Rien que sur le marché de l’affichage, Paul Biya a fait une véritable razzia dans les villes de Yaoundé et Douala. Tous les panneaux publicitaires géants sont sauvagement occupés par ses effigies. Dans certains carrefours de la capitale camerounaise, on peut compter jusqu’à quatre ou cinq affiches géantes de Paul Biya et rien de ses adversaires. Le marché de cet affichage a d’ailleurs été gagné par Pauline Biyong, membre du conseil d’Elécam, l’organe chargé de conduire le processus électoral…

Pourquoi les autres candidats sont-ils absents sur ces panneaux géants ?  « Faute de moyens », répondent-ils en chœur et surtout parce que Paul Biya a confisqué tous les panneaux géants, dénonce Anicet Ekanè, le candidat du Manidem. Choqué par cette situation, il a décidé d’aller en guerre contre les affiches de son adversaire en les déchirant tout simplement.  

Pendant que les 22 candidats de l’opposition font de la débrouille (Chaque candidat a droit à un financement public d’un montant de 30 millions. Mais, l’administration s’est arrangé pour ne virer une partie de ces fonds qu’après une semaine de campagne), Paul Biya et ses partisans étalent une insolente opulence. « Normal, soutien Joachim Tabi Owono, le candidat de l’Amec. Paul Biya peut compter sur les fonds publics. Les directeurs de sociétés ont été mis en demeure de cotiser pour sa campagne. Nous n’avons rien de tout cela et il n’est donc pas possible qu’on se mette au même niveau que le président. »

Fonctionnaires mis en mission pour battre campagne pour le Rdpc, véhicules administratifs réquisitionnés pour la même cause, tout est fait pour assurer une domination écrasante et indécente de Paul Biya dans la campagne.

L’affichage du candidat Biya a été réalisé par un membre d’Elécam
Certains challengers du président de la République font également fasse au zèle excessif des autorités administratives. Ni John Fru Ndi, le candidat du principal parti de l’opposition a été empêché de tenir campagne lundi à Ebolowa, le chef lieu de la province d’origine du chef de l’Etat du Cameroun. Quelques jours avant lui, Jean de Dieu Momo, qui avait décidé de lancer sa campagne dans le village d’origine du candidat au pouvoir a dû déchanter. Les autorités administratives locales, appuyées par des militaires, l’ayant chassé de Mvomeka’a.

Toutes ces obstructions permettent au Rdpc de règner sur la campagne présidentielle, sans que cela traduise la capacité réelle et sincère de mobilisation du parti-Etat.