samedi 8 octobre 2011

Présidentielle 2011 : la farce électorale


Yaoundé le 8 octobre 2011. Paul Biya a repris son antienne vieille de 30 ans. Les opposants ont remis les mêmes banalités. L’électeur camerounais, à l’heure du choix est perdu, dans une élection qui a commencé à révéler ses couacs : inscriptions multiples, absence de cartes d’électeurs, des morts inscrits, bref, un fichier électoral archaïque, car non-informatisé. Ce qui jette des doutes sérieux sur l’honnêteté des résultats qui seront issus des urnes dimanche.

Un seul individu en possession de deux cartes. Un exemple de la pagaille.
Les Camerounais iront aux urnes dimanche (octobre 2011) pour l’élection de celui qui présidera aux destinées de leurs pays pour les sept prochaines années. La campagne électorale s’achève ce soir. Pendant 15 jours, les 23 candidats en lice n’ont rien proposé de sérieux aux Camerounais qui ont l’âme chevillée au corps. A l’heure du bilan, difficile pour le Camerounais lambda de dire avec exactitude ce qu’il a retenu de cette campagne électorale mièvre et sans éclat.

Les 22 candidats de l’opposition n’ont pas présenté grand-chose alors que Paul Biya, 78 ans et au pouvoir depuis 1982, a eu du mal à faire son propre bilan et à proposer quelque chose de nouveau. Ses militants du Rdpc ont paradé pendant 15 jours, ont fait la démonstration de puissance à travers les moyens de l’Etat et les fonds publics qu’ils ont utilisés à leur compte. Arrogance, insouciance, provocation et mépris ont rythmé la campagne du Rdpc.

Jamais on n’a assisté à un débat entre Paul Biya et ses autres challengers. Seuls ses seconds couteaux de ministre ont essayé sans convaincre, alors que Biya, lui, s’est contenté de monologues ennuyeux lors de ses trois tournées à Maroua, Douala et Kribi. On n’a pas entendu ces phrases chocs, ces piques qui font généralement le charme d’une bataille électorale sous des cieux où la démocratie et le débat public est chevillé. Rien. Que des banalités et la même antienne que Paul Biya chante aux Camerounais depuis 30 ans.

Tout ce qu’on retiendra dans cette campagne c’est l’iniquité de traitement des candidats dans les médias publics (la Crtv, la télévision publique et Cameroon Tribune, le quotidien gouvernemental). Paul Biya aura particulièrement été gâté par la télévision publique. Pour chacune de ses sorties, la Crtv a concocté des programmes spéciaux, avec une batterie d’envoyés spéciaux et autres éditorialistes excités pour commenter en direct la campagne du candidat du Rdpc, le parti au pouvoir.

Pendant ce temps, les autres 22 candidats ne pouvaient se contenter que des 2,5 minutes qui leur étaient consacrées chaque soir pour des messages préenregistrés et soumis à une censure stricte avant diffusion. Face à cette inégalité de traitement des candidats par les médias publics, le Conseil national de la communication est resté étrangement silencieux.

Au moment où les électeurs camerounais s’apprêtent à aller voter, les observateurs ne sont point rassurés. De nombreux couacs sont déjà observés et dénoncés, notamment par l’Ong Transparency international. Son représentant au Cameroun, Me Charles Nguini, a clairement émis des inquiétudes suur le déroulement du scrutin.  L’on s’est aperçu que le fichier électoral camerounais n’était pas informatisé. D’où les inscriptions multiples. On a vu des électeurs en possession de deux, trois ou quatre cartes d’électeur (voir la photo), ce qui leur permet de voter autant de fois. Plus insolites, l’on a eu plusieurs témoignages de gens qui affirment avoir retiré les cartes d’électeurs de personnes décédées. « Ma grand-mère est décédée il y a deux ans et pourtant, sa carte d’électeur est sortie », nous a-t-on confié.

Une autre jeune fille résident à Yaoundé à révélé qu’elle ne s’est jamais inscrite sur une liste électorale. Pourtant, quelle n’a pas été sa surprise lorsque vendredi dernier, son père qui réside dans la province du Sud l’a appelé pour lui dire qu’il détenait une carte d’électeur en son nom !
 
Ce sont ces irrégularités et bien d’autres qui ont entraîné la sortie de Hilaire Kamga, membre de la société civile camerounaise qui qualifie la présidentielle 2011 au Cameroun de « farce électorale ». « L’élection du 09 octobre 2011, avec Elecam écrit-il, ne sera ni juste, ni libre, ni transparente, et ne peut produire aucun changement au Cameroun (…) Il est aujourd’hui établi, avec les doublons, les triplons, les quadruplons, etc. que le corps électoral de 2011 ne pourra pas atteindre 6.500.000 électeurs. Ce qui fait moins de 30% de la population camerounaise. Il est donc impossible que le prochain président ait la légitimité suffisante pour gouverner sereinement dès lors que le taux de participation, par rapport au potentiel électoral, ne pourra pas excéder 20%. Il serait par conséquent souhaitable, pour M. Biya de tirer la seule conséquence qui s’impose. »
 
Le chanteur militant, Lapiro de Mbanga a aussi expliqué, dans une tribune parue dans la presse camerounaise pourquoi il votera bulletin nul le 9 octobre : « Le président candidat à sa propre succession, organisateur de cette élection, a versé aux yeux du monde entier, la honte sur mon pays le Cameroun. Car, comment peut-on faire une élection présidentielle à un tour avec 23 candidats ? »
 
La sincérité des membres d’Elections Cameroon  (Elécam), l’organe chargé de conduire le processus électoral est fortement mise en doute. Surtout depuis qu’on a appris que Pauline Biyong, membre d’Elécam, avait gagné le marché de l’affichage des posters du candidat au pouvoir, Paul Biya. Elle n’a finalement été démise de ses fonctions que deux jours avant le vote et sous la forte pression des médias et de certains partis politiques.

Dans les révélations faites il y a quelques temps par Wikileaks, le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Marafa Hamidou Yaya, au cours d’un entretien avec l’ambassadrice des Etats-Unis au Cameroun doutait de la crédibilité des membres d’Elécam, « trop corrompus » à son goût et friands d’argent. Les faits lui ont donné raison. On se souvient d’ailleurs que Samuel Fonkam Azu’u, le président du conseil électoral d’Elécam, avait été épinglé pour un trafic autour des ordres de mission de l’Assemblée nationale (il fut secrétaire général de l’Assemblée nationale), qu’il était soupçonné de vendre aux demandeurs de visas voulant se rendre aux Etats-Unis !

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