samedi 1 octobre 2011

Quand des opposants votent pour le pouvoir


Bello Bouba
Yaoundé le 2 octobre 2011. Banda Kani, Abba Aboubakar, Issa Tchiroma, Bello Bouba, Hamadou Moustapha, Dakolé Daïssala, etc. ont trahi les aspirations des Camerounais au changement en s’alliant au pouvoir de Paul Biya.

Banda Kani, l’ancien président du Manidem, a décidé de rejoindre le Rdpc, le parti au pouvoir. Par ces temps de campagne électorale de la présidentielle du 9 octobre prochain, sa volte-face ne pouvait échapper à la presse. Ce d’autant que, dans la foulée, il a appelé à voter pour le candidat Paul Biya, « le seul, selon lui, qui peut préserver l’équilibre institutionnel du pays ».

Quelques jours plus tôt, un autre opposant retournait sa veste en faveur du parti au pouvoir : Abba Aboubakar, le président du Rcpu (Révolution camerounaise du peuple uni). Il a appelé à voter massivement pour Paul Biya le 9 octobre prochain. Or, seulement deux mois avant, le même Abba Aboubakar multipliait conférences de presse, tribunes dans les journaux et autres déclarations tonitruantes, exigeant le départ forcé de Paul Biya.
Dakolé Daïssala

Banda Kani et Abba Aboubakar sont venus s’aligner sur une liste déjà consistante d’hommes politiques de l’opposition qui ont décidé de commercer avec le Rdpc. C’est le cas de Issa Tchiroma, l’actuel ministre de la Communication et président du Fsnc. Il a non seulement appelé ses militants à voter pour  le candidat du Rdpc, mais a promis de battre campagne  pour Paul Biya qu’il couve depuis lors de tous les superlatifs. Pareil pour Bello Bouba de l’Undp et Dakolé Daïssala du Mdr. Tous roulent pour Paul Biya dans cette campagne de la présidentielle du 9 octobre prochain.

Selon le politologue Mathias Owona Nguini, cette volte-face montre « l’efficacité de la politique clientéliste de débauchage des concurrents pratiquée par le pouvoir ». L’universitaire ajoute que « le pouvoir contrôle de manière impériale les ressources de l’Etat et a donc à disposition, un impressionnant trésor de guerre qui peut lui permettre de retourner ses adversaires ».

Le sociologue Claude Abé, lui, pense que cette attitude de certains opposants camerounais traduit leur manque de sérieux et de consistance. « C’est une absence de professionnalisme politique. Ce sont des gens qui manquent de stratégie politique. Ils viennent à la politique sans ressources, aussi bien politique que financière », explique-t-il.

Le reniement au cours d’une élection n’est pas un phénomène nouveau au Cameroun. Il a existé dans les années 90 lors du retour au multipartisme et les premières élections pluralistes qui ont suivi. « On a connu au cours des années 90, l’utilisation de telles tactiques qui ont permis au président Biya de relativiser les effets de l’absence de majorité absolue du Rdpc lors des élections législatives du 1er mars 1992. C’est en utilisant ces ressources transactionnelles qu’il a pu convaincre Dakolé Daïssala de devenir ministre d’Etat dans le gouvernement qui allait être mis en place en avril 1992. Ces mêmes mécanismes ont été utilisés en 1997 quand il a fallu faire rentrer Bello Bouba au gouvernement. Ce sont donc des mécanismes rodés. »

Dans un tel contexte où un opposant peut du jour au lendemain battre campagne pour celui qu’il accablait d’attaques virulentes la veille, c’est le peuple qui ne sait pas à quel saint se vouer. Si pour le sociologue Claude Abé c’est cette infidélité qui a fait naitre la désaffection d’une bonne partie des Camerounais pour la politique, le politologue Mathias Owona Nguini, quant à lui, à d’autres explications. « Il y a d’autres raisons qui expliquent la désaffection du peuple vis-à-vis du processus politique et des élections, affirme-t-il. Cette tactique contribue à démoraliser le peuple. A chacune de ces cooptations, le peuple voit le signe qu’il est difficile à un groupe contre-gouvernemental d’être efficace dans la perspective de remettre en question le contrôle du Renouveau sur le pouvoir central camerounais. »

Hamadou Moustapha
Le Rdpc et son candidat à la présidentielle du 9 octobre prochain font-ils une bonne affaire en ralliant à eux leurs opposants ? « Pas si sûr, répond Claude Abé. En réalité, il est dans l’intérêt du Rdpc de donner l’impression que le Cameroun est une démocratie pluraliste. Or on voit plutôt émerger un régime de monopole politique. Ce qui ne participe pas de la civilisation des mœurs démocratiques. »

Owona Nguini, lui, est convaincu que Paul Biya réalise de bonnes affaires en favorisant cette transhumance politique. « En réalité, il neutralise des acteurs politiques qui auraient pu alimenter des réseaux s’opposant à lui », conclut le politologue.
Issa Tchiroma

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire