Le corps électoral, constitué de conseillers municipaux à majorité Rdpc (9 276 sur 10 626) est convoqué pour le 14 avril prochain.
Paul Biya, 80 ans, 30 ans au pouvoir |
Le corps électoral des
élections sénatoriales est convoqué pour le 14 avril prochain. C’est la
substance d’un décret du président de la République, Paul Biya signé hier.
L’acte du chef de l’Etat vient corroborer les soupçons d’un certain nombre
d’acteurs politiques et de la société civile qui redoutaient sa volonté de convoquer
le corps électoral avant les élections municipales.
La configuration
actuelle des conseils municipaux - qui constituent le corps électoral - étant favorables au Rdpc, il s’assure d’office
une majorité confortable au Sénat. Le Cameroun compte en effet 10 626
conseillers municipaux, dont 9 276
sont du Rdpc.
Lors de la cérémonie de
présentation des vœux de nouvel an 2013, Paul Biya et le leader de l’opposition
camerounaise, John Fru Ndi, avaient eu un bref entretien. Au sortir du palais
de l’Unité, le président du Sdf confiera qu’il a mis en garde le président de
la République quant à sa volonté d’organiser des élections sénatoriales avant
de nouvelles élections municipales. Fru Ndi mettait en cause la légitimité de
ces conseillers, mal élus, selon lui, avec de « mauvaises lois
électorales ». Bien plus, il dénonçait le fait que le mandat de ces
conseillers municipaux a expiré. Ils ne continuent d’exister en effet que grâce
à un décret du président de la République signé le 30 mai 2012, prorogeant leur
mandat de 12 mois.
Le week-end dernier,
alors qu’il était en tournée dans l’Ouest du Cameroun, Fru Ndi confiait aux
journalistes qu’il a adressé plusieurs correspondances au chef de l’Etat pour
le dissuader d’organiser les élections sénatoriales avant les municipales. Ses
missives ne semblent pas avoir changé les desseins du président.
Maurice Kamto, le
président du Mrc, avait lui-aussi parlé du risque qu’il y aurait à organiser
les sénatoriales avant les municipales. Il ajoutait, dans son message de fin
d’année aux Camerounais, que « le gouvernement doit pour sa part rendre
public le découpage des circonscriptions électorales et la date des élections
d’ici la fin du mois de février 2013, s’il est vraiment animé par le souci de
transparence, et ce afin de permettre à toutes les formations politiques de préparer
les échéances électorales avec sérénité et de préserver l’égalité de chance
entre les partis ».
Ruse
et effet de surprise
Encore sonné par le
décret du président de la République lu hier à la Crtv, le président du Mrc n’a
pas souhaité réagir à chaud. « Pardonnez-moi de vous décevoir, a-t-il
regretté. Nous avons appris la nouvelle comme nos compatriotes en écoutant la
radio. Je n’ai pas d’avis personnel à donner. Il s’agit d’un acte qui a une
signification politique très forte. Nous allons réunir notre directoire,
probablement aujourd’hui, pour donner notre position. »
L’ancien président du
Manidem, Anicet Ekane dénonce une décision « absurde » du président
de la République et annonce d’ores et déjà que son parti n’ira pas à ces
élections. « Tout ce qui motive le pouvoir, ajoute-t-il, courroucé, c’est
sa perpétuation. Le régime Rdpc, les héritiers d’Aujoulat, veulent une
alternance en leur sein. Pour cela, il faut qu’ils contrôlent l’Assemblée
nationale et le Sénat. Au-delà de la personnalité du chef de l’Etat, c’est le
régime qui veut contrôler l’alternance. Tous les cadres du Rdpc sont déjà dans
l’après Biya. Ils veulent empêcher que la famille politique des patriotes que
nous sommes n’intervienne dans ce changement. Que les Camerounais prennent
leurs responsabilités. »
Selon des observateurs
de la politique camerounaise, la convocation du corps électoral des sénatoriales
pose aussi le problème de l’opacité du calendrier électoral au Cameroun.
Personne, en dehors du président Biya ne pouvait préjuger de la date des
sénatoriales. Pas plus que celle des législatives et municipales.
Paul Biya est le maître
du calendrier électoral. Un instrument fatal de conservation du pouvoir et des
pouvoirs. A sa guise et selon son propre agenda, il peut frapper comme il vient
de le faire. Par la ruse et l’effet de surprise. Il prend ses adversaires de
vitesse condamnés qu’ils sont à lui courir après.
Jean-Bruno
Tagne
Le
Sénat en bref
Le Sénat a été créé par
la Constitution du 18 janvier 1996. Il représente les collectivités
territoriales décentralisées, à raison de 10 sénateurs par région. Sept sont
élus au suffrage universel indirect alors que trois par région sont nommés par
le président de la République.
« Les candidats à
la fonction de sénateur ainsi que les personnalités nommées à ladite fonction
par le Président de la République, doivent avoir quarante (40) ans révolus à la
date de lʼélection ou de la nomination », précise l’article 20 de la
Constitution. La durée de leur mandat est de 5 ans.
J-B.
T.
Loi
n° 2006/005 du 14 juillet 2006 relative à l'élection des sénateurs :
http://minatd.cm/gov/site/cadrejuridique/Loi_Senateurs.pdf