Yaoundé le 28 septembre 2011. Un article paru dans le quotidien français décrit « le règne sans fin » du chef de l’Etat camerounais, mais ignore la responsabilité de la France dans cette confiscation du pouvoir qui dure depuis 30 ans.
Paul Biya reçu à l’Elysée avec les honneurs. Et la « rupture » ? |
Ce n’est pas tous les jours que Le Monde consacre deux pages au Cameroun et surtout au président de la République, Paul Biya, au pouvoir depuis 1982 et en course pour un nouveau bail de sept ans. Le quotidien français a habitué le lecteur camerounais aux espaces de publi-reportages chèrement négociées par les Patricia Balme, Stéphane Fouks et Yasmine Bahri-Domon, les communicants français de Biya. Pas étonnant donc que l’édition du Monde des 25 et 26 septembre 2011 intitulée « Le règne sans fin de Paul Biya » ait quelque peu surpris des confrères camerounais qui en ont même fait leur une. C’est le cas du quotidien Le Jour du 28 septembre 2011.
Le Monde, décrit un Paul Biya qui fait figure « d’antiquité », sur le continent. D’une côté, une Afrique du nord marquée par le printemps arabe, qui a eu raison des dictateurs comme Ben Ali de Tunisie, Hosni Moubarak d’Egypte et Khadafi de Lybie, et de l’autre, une Afrique de l’ouest où certains pays ont réussi des élections transparentes : Guinée, Niger, Côte d’Ivoire ou Mauritanie.
Christophe Chatelot, l’auteur de l’article constate et s’étonne que la campagne électorale de la présidentielle du 9 octobre prochain au Cameroun, soit « atone » alors que les Camerounais ont toutes les raisons de se plaindre : « Un pouvoir au dessus des lois et autoritaires, des inégalités sociales criantes sur un territoire potentiellement riche, une population dont la moyenne d’âge est inférieure à 25 ans et qui est coupée de ses dirigeants. Des Camerounais mécontents, donc, et désabusés par une classe politique très largement corrompue quel que soit le camp, y compris parmi des opposants prompts à renier leurs idées pour un maroquin ministériel. »
Sans les nommer, Le Monde fait certainement allusion à Issa Tchiroma, Bello Bouba, Banda Kani, etc., d’anciens opposants radicaux qui, aujourd’hui, battent campagne, sans-gêne, pour le candidat au pouvoir. Nos confrères prétendent qu’à Yaoundé et Douala, cette attitude s’appelle « aller à la gamelle ». Une expression pas vraiment courante dans les deux principales villes du Cameroun où on parle plutôt d’« aller à la mangeoire »…
Le Monde, dépeint Biya sous les traits d’un homme « vieillissant » qui « tient épisodiquement les conseils des ministres mais modifie lois et constitution à son gré » et qui a transformé la scène politique de son pays en « champ de ruine ». Ce qui fait de sa succession, selon le quotidien français, « une source d’instabilité ».
Le mérite de l’article du Monde, est qu’il nous change des papiers de commande souvent publiés par la presse française pour polir l’image du pouvoir. Mais il manque cruellement d’éléments de terrain, qui auraient sans doute permis de décrire un pouvoir plus sombre et aurait évité à son auteur des approximations, comme cette fameuse rumeur sur la mort de Paul Biya qui date de 2004 et pas de 2010.
Le Jour du 28 septembre 2011. |
L’autre faiblesse de l’article du Monde, est qu’il ne montre pas la responsabilité historique de la France dans le règne sans fin de Paul Biya. Lequel dure depuis 30 ans (lire à ce sujet ,Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique (La Découverte)). Depuis le retour au multipartisme dans les années 90 et les élections présidentielles qui ont suivi (1992, 1997, 2007) en effet, le RDPC (le parti au pouvoir) a très souvent triomphé par la fraude électorale cautionnée par les autorités françaises. Sarkozy et Chirac se sont souvent permis de féliciter ce « grand ami de la France » pour sa « brillante élection » avant même que le volumineux contentieux électoral ne soit entièrement vidé. Une attitude qui a fait naître au Cameroun, un sentiment anti-français largement partagé.
Le politologue camerounais, Achille Mbembé, lui, ne se fait pas d’illusion : « La France ne lâche jamais ses amis africains. »