jeudi 12 janvier 2012

« L’autochtonie » en question


Yaoundé le 12 janvier 2012. Dérive. Les affrontements entre jeunes de Deïdo et conducteurs de « moto-taxis » ont remis sur la place publique un discours que Célestin Bedzigui qualifie de « tribaliste ».

31 décembre 2011. Un individu est tué par des voyous à moto dans le quartier Deïdo à Douala. Pour se venger de cet autre crime, les populations riveraines décident de châtier les « moto-taximen » qu’elles accusent d’être à l’origine de cette insécurité. Leurs motos sont arrachées et brûlées. Des conducteurs de « moto-taxi » sont lynchés. En riposte, les « bend-skineurs » organisent une expédition punitive dans le quartier. S’en suit un affrontement entre les jeunes du coin et les assaillants. Cette bagarre rangée laisse un mort sur le carreau, de nombreux blessés et des dégâts matériels importants. 

Le calme revient peu à peu à Deïdo. Mais les affrontements se poursuivent dans les médias et les réseaux sociaux. Universitaires, hommes politiques et autres citoyens s’étripent. James Mouangue Kobila, enseignant à l’université de Douala, ouvre le feu le premier. Dans un communiqué rendu public le 5 janvier 2012, l’enseignant affirme que « les événements de Deido ne seraient pas allés au-delà de l'assassinat d'un jeune homme et de l’indignation éruptive des habitants de Deido, si certains habitants de la ville de Douala n'étaient pas animés par une volonté hégémonique qui leur fait oublier le respect normalement dû à une communauté qui se sent outragée et attaquée dans son terroir par des comportements de prédateurs ». Il ajoute que la contre-réaction des conducteurs de moto-taxis « s'inscrit dans le prolongement du déni d'autochtonie, voire du mépris des autochtones qui est la chose la mieux partagée par certains Camerounais ». 

« Tribalisme institutionnel »
Dans une tribune parue chez nos confrères de Mutations, Célestin Bedzigui, leader politique camerounais en exil aux Etats-Unis, soutient que les événements de Deïdo ont dérivé sur « un discours de stigmatisation, d’exclusion et d’exacerbation de la haine ». L’homme politique ajoute que « les affrontements de Deido peuvent se dupliquer dans plusieurs villes et être le point de départ d’un embrasement général, de massacres et déplacements massifs de populations. »

L’expression « autochtone » utilisée par James Mouangue Kobila, certainement par opposition à « allogène », est consacrée par le préambule de la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996. « L'État assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi », proclame la loi fondamentale du Cameroun, sans plus de précision. Avec cette disposition constitutionnelle, Célestin Bedzigui pense qu’on est parti du « tribalisme informel » au « tribalisme institutionnel ». Pour lui, les sorties et les prises de position de certains universitaires et hommes politiques ne sont ni plus ni moins que du « tribalisme » inadmissible en République et qui nous rapproche du « syndrome rwandais ». 

Comment donc faire face à cette opposition quasi-permanente entre « autochtones » et « allogènes » dans certaines contrées du Cameroun ? 

Célestin Bedzigui propose que la Constitution du 18 janvier 1996 soit dépouillée du terme « autochtone » et qu’à la place on parle de « minorité » et de « majorité ». Il préconise aussi une politique de « zéro tolérance » à l’égard de toute manifestation de tribalisme. Bref, une criminalisation de tout propos stigmatisant à l’égard d’une communauté. « Il est tout simplement inacceptable, s’indigne-t-il, qu’en République de véritables appels au meurtre ou au pogrom par certains individus au prétexte qu’ils sont ‘’autochtones’’, des injures et insultes tribalistes proférées devant témoins ou sur des medias publics ou électroniques, la ségrégation à l’emploi pour motif tribal, toutes choses qui sont les semences du ‘’syndrome rwandais’’, n’exposent pas leurs auteurs à des poursuites devant les tribunaux. »



L’autochtone selon les Nations Unies
  • La continuité historique : il doit pouvoir être établi une continuité historique entre les autochtones et les premiers habitants d’un pays ou d’une région avant sa conquête ou sa colonisation.
  • La différence culturelle : les peuples autochtones ne se sentent pas appartenir à la culture de la société dominante du pays dans lequel ils habitent. Ils sont déterminés à préserver leurs caractéristiques culturelles, leurs traditions et leurs organisations sociopolitiques.
  • Le principe de non-dominance : les peuples autochtones sont en marge de la société.
  • L’auto-identification : Il s’agit là, d’une part, de la conscience d’un individu d’appartenir à un peuple autochtone et, d’autre part, de son acceptation en tant que membre de ce peuple par le peuple autochtone lui-même.

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