Yaoundé 23 mai 2012. Rebelote. Le quotidien français a publié, le 20 mai dernier, une double page de propagande sur le Cameroun, payée à 300 millions FCfa environ. Soit deux fois plus que l’enveloppe globale qui est sporadiquement allouée à toute la presse camerounaise comme aide.
La page de propagande publiée par Le Monde le 20 mai 2012 |
On croyait que le quotidien français Le Monde en avait fini avec les doubles pages dithyrambiques sur le Cameroun de Paul Biya, 79 ans, au pouvoir depuis 1982. En novembre 2011, la Société des rédacteurs du Monde avait exprimé son ire après la publication d’une double page publicitaire à la gloire du Cameroun et de son chef. Elle jugeait ces pages de publicité « indignes ». Le quotidien français vient de remettre ça : une nouvelle double page parue le dimanche 20 mai dernier, avec, en prime, une petite mention à la une sous le titre : « Un nouveau Cameroun se dessine ».
Dans cette double page centrale, sous une signature pour le moins inhabituelle (Ayissi Le Beau), Le Monde proclame que « le Cameroun réforme sa gouvernance et devient plus attractif ». Le Monde annonce également la mise en place du Sénat prévu dans la Constitution du 18 janvier 1996 et qui n’a jamais vu le jour, depuis 16 ans. On peut également y lire, des réformes pour la transparence des prochaines législatives au Cameroun. Pour le reste, pas grand-chose à retenir. Juste des banalités du genre « guerre ouverte contre les faux agents immobiliers à Douala ». Des banalités certes, mais qui auraient coûté environ 300 millions de francs Cfa au contribuable camerounais. Soit deux fois plus que l’enveloppe globale qui est sporadiquement allouée à toute la presse camerounaise comme aide. A cela, il faut ajouter les frais qui ont été payés au négociateur recruté parmi la horde de communicants français chargés de polir l’image du président Biya à l’étranger : Patricia Balme, Yasmine Bahri Domon, Stéphane Fouks, etc.
Cette nouvelle réclame sur le Cameroun dans Le Monde est assez inattendue et semble mettre ce journal en contradiction avec lui-même. En septembre 2011, quelques semaines avant la présidentielle, le quotidien français chargeait son « bienfaiteur » dans un article intitulé « Le règne sans fin de Paul Biya ». Le Monde y décrivait un Paul Biya qui fait figure « d’antiquité », sur le continent. Il constatait que la campagne électorale d’alors était atone alors que les Camerounais ont toutes les raisons de se plaindre : « Un pouvoir au-dessus des lois et autoritaires, des inégalités sociales criantes sur un territoire potentiellement riche, une population dont la moyenne d’âge est inférieure à 25 ans et qui est coupée de ses dirigeants. Des Camerounais mécontents, donc, et désabusés par une classe politique très largement corrompue quel que soit le camp, y compris parmi des opposants prompts à renier leurs idées pour un maroquin ministériel. » Joint au téléphone, une journaliste du Monde a promis de nous rappeler, en vain.
La page de propagande publiée par Le Monde le 20 mai 2012 |
Le Monde n’est pas le seul journal français qui se fait arroser par la présidence camerounaise. Lors des manifestations du cinquantenaire, plusieurs journalistes français ont été emmenés en « goguette » au Cameroun, nourris et logés aux frais de la princesse. L’Express avait également, par le passé, reçu des annonces publicitaires de la présidence du Cameroun. Ce qui avait alors suscité la colère de la Société des journalistes de l’hebdomadaire. Une réaction assez vigoureuse pour « juste » une demi-page de publicité dans leur journal. « Cette publicité, qui paraît opportunément à l’occasion de la visite officielle en France du dirigeant africain, nuit à l’image de L’Express en induisant le doute sur la caution qu’apporterait le journal à un homme régulièrement dénoncé pour ses manquements démocratiques. En outre, elle s’inscrit en totale contradiction avec le traitement éditorial qui est réservé à ce dirigeant dans nos colonnes », dénonçaient les journalistes de L’Express en juillet 2009.
En pleine campagne électorale en octobre 2011, Le Monde diplomatique, pour sa part, a simplement craché sur un publi-reportage alléchant pour polir l’image du Cameroun et de son chef.
Si les communicants français de tout poil se lèchent les babines chaque fois qu’ils commercent avec la présidence du Cameroun, le contribuable, quant à lui, y laisse des plumes (lire à ce sujet : Thomas Deltombe, « Chantres français pour dictateurs africains », Le Monde diplomatique, mars 2010 ). Parmi les faits qui sont reprochés à Emmanuel Gérard Ondo Ndong, ex-Dg du Feicom, qui croupit en prison pour détournement de deniers publics, il y a le financement des publi-reportages dans les médias étrangers.
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